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À la rencontre de Gamart Camara, le “Cavalier du 93”

par BY

20 janv. 2023

Il avait fait le buzz trois ans auparavant, en se promenant dans les rues de Montreuil à cheval. Streetpress, Libération ou encore AJ+ pour ne citer qu’eux, avaient ainsi narré son histoire atypique. Un jeune de cité à cheval… il est vrai que ça ne court pas les rues. L’équitation n’étant pas le sport de prédilection de ceux que l’on appellent les banlieusards. Mais Gamart Camara n’en a que faire ! Il sait qu’il est plus qu’un « cavalier des banlieues ». C’est un touche à tout presque compulsif. Il rappe, ride, photographie et entreprend. Le jeune homme est en réalité un créatif de la vie. Un adepte des opportunités qui n’oublie pas d’où il vient. Rencontre avec ce pur produit de Montreuil qui n’a pas peur de réaliser ses rêves. 


Bonjour Gamart, Peux-tu te présenter ?  

Je me présente, Gamart Camara j’ai 27 ans. Mes parents sont originaire d’Afrique de l’ouest et d’Égypte. Je suis de Montreuil et j’ai toujours vécu à Montreuil. 

Je suis un créatif, j’ai plusieurs vie ! Je fais de la musique, de la photo et je tiens aussi un restaurant africain à Montreuil avec ma mère, le  “Yankady Chez Fatou”. 

Cela fait 27 ans que tu vis à Montreuil, Trouves-tu que ton environnement ait changé socialement, économiquement, culturellement ?

Les choses ont changées mais est-ce qu’on peut parler d’évolution et surtout d’évolution pour tous, notamment d’évolution pour la jeunesse ? Je ne pense pas. Il y a beaucoup de nouvelles choses, mais je ne sais pas si les choses ont évolué. Il y a un nouveau type d’habitants en provenance de Paris. Moi je suis du quartier de La Boissière et mon restaurant se trouve dans le centre de Montreuil. Cela fait un moment que nous avons constaté que la clientèle a vraiment changé. 

La Boissière, Montreuil

Concernant l’aspect culturel, de mon point de vue, c’était largement mieux avant. À l’époque, lorsque j’étais plus jeune, il y avait beaucoup plus de scènes, de spectacles, plus de propositions d’activités dans le cœur de la ville… Il ne faut pas oublier que Montreuil est une des villes du Hip Hop ! Montreuil, c’était vraiment le “Rap Underground”. Malheureusement, il y a de moins en moins d’événements culturels.  Aujourd’hui, la jeunesse est moins attirée par les événements proposés et dans lesquels elle ne se retrouve pas, sachant qu’il n’y a pas grand choix. Lorsqu’il y a des événements, la ville fait appel à des gens venus d’ailleurs, sans prendre en compte les talents locaux et c’est dommage. 

“TU PEUX PAS APPELER DES GENS DE LA VILLE SI TU NE LEUR PROPOSES RIEN . IL FAUT QU’ILS SE SENTENT CONCERNÉS”

Quelle est la différence entre 93 et les autres départements ? 

Le département de la Seine-Saint-Denis est clairement différent des autres départements. Partout où tu vas, même à l’étranger, les gens connaissent le 93. Le 93 c’est l’ambassade, et il y a eu des ambassadeurs tels que NTM, Tandem, Busta Flex, Amel Bent, Menelik, Doc Gyneco… C’est pas rien tout ça ! Même des artistes d’ailleurs viennent tourner et produire chez nous. Je saurais pas te dire pourquoi, mais le 93 c’est autre chose !

Pour autant, je ne considère pas vraiment Montreuil comme faisant partie du 93, en raison de sa situation géographique (on est a 15 minute de Paris). On est entre deux zones; pour la banlieue on est limite des parisiens alors que pour les Parisiens nous sommes le 93. Mais les vrais savent ! (rire).

Qu’est-ce qui t’inspire dans le 93 (un lieu, une icône) ?  

Le 93 est naturellement inspirant. Je vois Montreuil un peu comme Harlem à New York. Une ville avec de la diversité, une grande richesse culturelle. Ça va vite, ça bouge ! J’aime bien Aubervillier pour ces raisons. À Auber les gens travaillent, ils charbonnent, c’est vivant. J’y ai beaucoup traîné, il y a beaucoup d’Africains avec ce que ça implique en terme de tendances et d’ambiance. 

Ce qu’il faudrait absolument changer ? 

Il faudrait plus de choses pour la jeunesse. Il faut que les jeunes aient davantage accès à la culture, au sport, etc. Il faut aussi plus de modèles de réussite. J’ai vécu tout ma vie à Montreuil, les gens me connaissent et ils ont vu mon ascension. Je suis passé par la case prison et aujourd’hui, je fais des pubs avec Adidas dont je suis l’égérie : ça motive les jeunes ! 

Il faut leur montrer que les personnes qui leur ressemblent font des choses bien. Ils nous voient juste sur les réseaux sociaux et ne savent pas d’où l’on vient. Il faut communiquer avec la jeunesse, leur insuffler des idées, leur permettre d’avoir accès à bien plus que ce qui leur est proposé. Ils ne sont plus dans la découverte. Quand j’ai débarqué au quartier avec mon cheval, les jeunes étaient enthousiastes. Certains ont même évoqué leur expérience avec les chevaux, le fait qu’ils en aient déjà fait ou qu’ils aimeraient en faire. Avant ça, ils n’auraient pas osé en parler. Ils sont demandeurs, mais personne pour les écouter.  

Comme toutes les banlieues, il y a des jeunes qui font des choses. Mais c’est vrai que le 93 est l’un des seuls départements où tu peux venir d’ailleurs et pour moi, il n’y a pas de concours de banlieues. 

Quel avenir pour la Seine Saint Denis ? 

On entend de grandes annonces de Grand Paris, de Jeux Olympiques, etc. Pour nous les habitants, parfois tout cela nous semble si loin de nos réalités. C’est médiatique et marketing ! On nous dit :  “Demain vous ne serez plus Montreuil mais le 21ème arrondissement de Paris”. Ok, mais si la seule chose que ça change c’est au niveau de notre adresse, alors que ça n’apporte rien aux habitants, dans le fond. Demain, ils peuvent faire les JO en bas de chez nous, mais si on n’est pas concernés, qu’est-ce que ça change ? On ne gagnera pas plus de respect et on sera toujours ignorés. 

Lors de la construction du Stade de France, nous étions des enfants. Nous avons mis 10 ans à comprendre que le stade était dans le 93. Pourquoi ? Parce qu’on nous le vendait comme une infrastructure parisienne : c’est fait chez nous, mais pas pour nous ! Il faut qu’on intègre les habitants dans les projets, les débats et les changements. 

Je souhaite que l’on concerte plus les gens, que l’on fasse appel aux habitants sur les projets de leur ville. Que la jeunesse se sente réellement soutenue et représentée. Ça serait beau si dans 20 ans, on demande à un “petit” de Montreuil : “Comment c’était les JO 2024 ?”, et qu’il puisse répondre “c’était incroyable, j’y ai participé !”