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Aïssatou Diallo Sagna : “J’ai l’impression de me redécouvrir un peu plus à chaque rôle.

par BY

21 mars 2024

L’actrice Aïssatou Diallo Sagna a vu sa vie bouleversée lorsqu’elle est devenue la première actrice non-professionnelle à remporter le César de la meilleure actrice dans un second rôle en 2022, pour sa prestation dans “La Fracture” de Catherine Corsini. La comédienne mène aujourd’hui deux carrières : une dans le milieu du cinéma, une autre dans les hôpitaux. Rencontre.

Un soir de février 2022, Aïssatou Diallo Sagna remportait le graal convoité par toute une profession. Premier film. Premier rôle. Premier César. On avait rarement vu un combo aussi parfait dans le milieu rigide et conservateur qu’est encore le cinéma français. C’est ça d’être une surdouée ! Impossible de nier votre talent, aussi brut soit-il, même face à des acteurs et actrices plus expérimentés. Pourtant, petite, l’actrice était d’un naturel réservé, préférant “observer dans son coin plutôt que d’être le centre de l’attention” confie-t-elle, un brin nostalgique, lors de notre entretien. En recevant le césar des mains de l’actrice Lyna Khoudri, cette soirée-là, Aïssatou a, malgré elle, marqué l’histoire de la cérémonie, en devenant la première actrice non-professionnelle à obtenir le prix rêvé. Ce qui devait être une expérience éphémère ne l’est plus. On dirait bien qu’une star est née. 

Soigneuse dans l’âme

Dans les scénarios hollywoodiens, le personnage principal ou l’antagoniste a toujours une backstory, un moment dans le passé qui sert de toile de fond au récit. Celle d’Aïssatou colle parfaitement à son personnage joué dans “La Fracture.” Avant d’atterrir sur des plateaux de tournage, elle mène une vie de famille ordinaire avec son mari et ses trois enfants et travaille en tant qu’aide-soignante dans le milieu médical. C’est dans cet univers que la future comédienne se révèle parce que ce qui l’anime par-dessus tout, c’est la solidarité et le collectif. Dans les hôpitaux, chacun joue sa partition pour le bien commun, même si les fausses notes (budget réduit, épuisement, patients difficiles…) rendent la tâche souvent ardue. “Avec les médecins, les infirmiers, les brancardiers, etc, on fait corps. On est tous ensemble pour une prise en charge optimale du patient” analyse la comédienne. Et si l’on fait bien attention, les salles blanches des hôpitaux et les plateaux de tournage ont quelques similitudes. Ce n’est pas la même musique qui y est jouée mais c’est la même dynamique. “Bien sûr, l’enjeu n’est pas le même, évidemment, mais sur un plateau de cinéma, tout le monde est essentiel, du mec de la régie, au mec du son, à la prod, etc. Tous travaillent à fond pour obtenir une véritable œuvre audiovisuelle.” renchérit-elle. 

Ce qui est bien avec le cinéma, c’est qu’on peut y raconter ce que l’on veut. Il n’y a pas de limite.

Aissatou Diallo Sagna

Croquer la pomme

Pour se glisser dans le rôle de Kim, infirmière charismatique dans “Fracture”, le film de Catherine Corsini, la jeune actrice s’est donc inspirée de son quotidien et a réussi à injecter la dose d’émotion nécessaire pour donner vie à ce personnage bouleversant. Et pourtant, avant ce long-métrage, le cinéma, elle en avait que faire. “Je n’ai pas honte de le dire, je n’avais aucune culture cinématographique avant de faire ce film. Le cinéma français, ce n’est même pas mon délire, à la base (rires). Il ne m’a pas emportée quand j’étais plus jeune. Je ne me suis pas reconnue là-dedans donc très vite j’ai nexté.”, avoue l’interprète de Kim. Ce n’est que quelques années plus tard, lorsque l’occasion se présente, que la comédienne s’y intéresse. Catherine Corsini cherche une actrice non-professionnelle pour son film. Alors, pourquoi pas elle ? “C’est arrivé à une période de ma vie où j’ai pu prendre ce risque. J’avais besoin de ne plus être qu’une aide-soignante, une épouse, une maman. Je pense que si j’avais eu cette opportunité plus jeune, je n’aurais pas pu manger la pomme comme je l’ai mangée là (rires). Je n’aurais pas eu cette énergie, niaque et confiance en moi surtout.”

Finalement, jouer dans ce long-métrage, c’était écrit. Juste une question de timing. Un moyen pour elle de s’extirper de la monotonie du quotidien et explorer d’autres champs artistiques, elle, qui n’avait d’yeux que pour la musique, auparavant. “Ce qui est bien avec le cinéma, c’est qu’on peut y raconter ce que l’on veut. Il n’y a pas de limite. On se contient toujours un peu dans la vie de tous les jours. Il y a des codes à respecter, etc, mais dans le cinéma tout est chamboulé et ça j’adore. Tu es libre et tu fais appel à des choses en toi, dont tu n’es même pas consciente sur l’instant T. J’ai l’impression de me redécouvrir un peu plus à chaque rôle.” décrit-elle, les yeux brillants. 


Plateau, boulot, renouveau

Après “Fracture”, la comédienne reprend du service, toujours dirigée par Catherine Corsini. On la retrouve dans “Le retour”, où elle interprète une mère de deux ados au service d’une famille bourgeoise, confrontée à son passé lors d’un séjour, avec ses filles, sur l’Île de Beauté. “J’ai adoré explorer le personnage de Khédidja (ndlr : nom de son personnage) et ses fissures. Je tripe à m’inventer des choses, me raconter des histoires. C’est l’imaginaire qui se met en action. C’est aussi toujours un plaisir de me retrouver sur un plateau.”

Et si l’amour pour le grand écran s’est développé entre-temps, Aïssatou n’a pas délaissé sa petite vie d’avant pour autant. Toujours aide-soignante, elle conjugue son temps entre les plateaux, les hôpitaux et sa vie de famille. L’actrice fait gaffe à ne pas être aveuglée par les strass et paillettes. “Je ne suis pas dans l’attente d’une carrière bien spécifique. Ce que je veux moi, c’est continuer à tourner et pour l’instant, c’est ce que je fais. Je prends vraiment les choses comme elles arrivent.” conclut-elle, reconnaissante. On a hâte de voir où le vent l’emmènera. 

Actrice : Aïssatou Diallo Sagna
Photographe : Kopeto / Studio Noir
Makeup artist : Hawa Traoré
Stylisme : FreestylebySandrine 
Coiffure : Nene Dessert
Creative house : Wanderkid
Executive production : Belo

Un grand merci aux marques Ekeeya Créations & African Armure.