Dans un contexte économique où l’industrie sucrière des Antilles est en pleine crise, où le taux de chômage dépasse les 40% et le taux de natalité augmente fortement, l’ex-Ministre de l’Intérieur de la France, Michel Debré, décide de créer le « Bureau des Migrations pour les Départements d’Outre-Mer » ou BUMIDOM, en 1963.
Cette institution a pour objectif de favoriser l’émigration des habitants des DOM soit la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion, vers la France métropolitaine, en vue d’obtenir un poste dans la fonction publique et échapper à la misère qui règne dans leur territoire.
En effet, en plus de la guerre d’Algérie qui prend fin en 1962, le Gabon, le Cameroun, la République Centrafricaine, le Tchad, le Niger, le Togo, la République de Haute-Volta (devenue Burkina Faso en 1984), la Côte d’Ivoire, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal accèdent à leur indépendance en 1960 et ne sont donc plus sous contrôle français. Ce qui crée un fort besoin en main d’oeuvre bon marché en France, d’où la naissance d’un tel projet impliquant les habitants des DOM en difficultés, dont beaucoup souhaitent et revendiquent leur indépendance. Ainsi, le BUMIDOM attire un grand nombre d’Antillais qui voient la métropole comme un Eldorado en raison de la propagande efficace mise en place pour atteindre l’objectif de faire entrer 5 000 Antillais par an au sein de l’Hexagone.

Résultat des courses : environ 160 000 ressortissants des DOM émigrent en métropole entre 1963 et 1981, et se retrouvent à occuper des fonctions de domestiques, ouvriers du bâtiment, aide-soignants ou encore agents de la fonction publique de faible voire très faible échelon. De plus, le BUMIDOM assure une prise en charge partielle et la majorité des migrants se retrouvent sans accès à des logements ou vivent entassés dans des studios. En tant que Noirs, ils subissent le racisme tout comme les migrants étrangers des ex-colonies françaises, avec lesquels les locaux ne font aucune différence, malgré leur statut de citoyen français…
Ce transfert démographique massif cause également des déséquilibres socio-économiques au détriment des Antilles qui perdent de la main d’oeuvre locale forte et motivée, et qui se retrouvent avec un grand nombre de foyers désorganisés suite au départ d’un ou plusieurs membres.
En 1967, les ouvriers du bâtiment organisent un mouvement de grève en Guadeloupe, impliquant notamment les répercussions du BUMIDOM sur l’île. Le poète martiniquais Aimé Césaire qualifie d’ailleurs le BUMIDOM de “traite négrière”, une contre-offensive anti-BUMIDOM est instaurée par des leaders d’opinion et en 1971, la cellule du BUMIDOM de Fort-de-France en Martinique est ravagée. En 1977, l’État français met en place le système de congés bonfifiés permettant aux fonctionnaires Antillais installés en France de retourner dans leur département d’origine de manière périodique mais la contestation continue de battre son plein et 4 ans plus tard, le BUMIDOM est finalement suspendu et remplacé par l’ANT (Agence Nationale pour la Promotion et l’Insertion des Travailleurs d’Outre-Mer) en 1983.
Herbby H. pour ByUsd Media