Jeux Olympiques de Paris : Des travailleurs sans papiers exploités sur les chantiers

Á deux mois des Jeux Olympiques de Paris, les constructions des principaux sites sont à peaufiner. Souvent sujets à débat, notamment avec le défi de l’assainissement de la Seine, ces derniers viennent invisibiliser des situations bien plus préoccupantes impliquant des travailleurs sans papiers sous-payés, où sécurité et droits de l’Homme sont loin d’être respectés.
Lors de l’annonce de l’attribution des Jeux Olympiques à la ville de Paris en 2017, la maire de la ville, Anne Hidalgo, s’enorgueillissait de sa capacité à capitaliser sur les sites déjà « existant » pouvant accueillir les différentes épreuves. En effet, le Stade de France, la Bercy Arena ou encore la Défense Arena, sont des infrastructures déjà existantes et qui accueillent des grands évènements.
Viennent s’ajouter, le cadre majestueux des monuments de la ville de Paris, tels que le Grand Palais, la place Trocadéro ou encore l’hippodrome de Versailles, sera le théâtre de nombreuses disciplines des sports présents aux Jeux Olympiques. Mais malgré cela, il reste tout de même quelques sites à construire ou réaménager. La Seine donc, mais aussi d’autres constructions : le Centre Aquatique Olympique à Saint-Denis, le village des athlètes qui se trouvera entre trois communes, Saint-Denis, Saint-Ouen et L’Île-Saint-Denis ou encore l’Arena à Porte de la Chapelle. Sans oublier de nombreux autres espaces urbains à créer et qui permettront de garder une cohérence architecturale.
Ces projets donnent donc de nombreux efforts à fournir à l’échelle économique mais également et surtout, au niveau de la main-d’œuvre. La majorité de cette main-d’œuvre n’étant pas traitée de la meilleure des manières au pays des droits de l’Homme.
Circulez, il n’y a rien à voir !
Alors que la Coupe du Monde au Qatar avait fortement agité l’opinion publique dans les pays occidentaux concernant le respect des droits de l’Homme au niveau du traitement des minorités mais aussi le respect des conditions de travail sur les chantiers, les Jeux Olympiques de Paris n’échappent pas à ses dérives qui surviennent fréquemment lors de grands événements, surtout ceux sportifs.

Sur les chantiers des Jeux Olympiques 2024, les conditions de travail sont mises à mal. Le 8 Mars dernier, l’inspection du travail a exigé l’arrêt immédiat des travaux sur le site olympique de Versailles qui accueille les épreuves d’équitation. Les inspecteurs ont ensuite alarmé leurs autorités sur les nombreuses défaillances concernant la sécurité des travailleurs. Ils ont indiqué que certains travailleurs étaient « positionnés sur des planches qui n’étaient pas solidaires de la structure, et ils étaient dès lors susceptibles de glisser, basculer ou tomber sur les autres salariés situés en contrebas » ou encore que certains « travaillaient sur le montage de la partie en décroché », à environ 20 mètres de hauteur.
Pour se défendre, la société en charge des travaux, GL Events, a saisi le tribunal administratif de Versailles afin de reprendre l’activité du chantier qui ne présente selon eux, aucun « danger grave et imminent ». Ce à quoi le tribunal a répondu défavorablement, évoquant une « situation de danger grave et imminent de chute de hauteur des salariés» et soulignant que « la condition d’urgence tenant à la reprise du chantier […] [n’était] pas remplie en l’espèce ».
Un véritable scandale lorsqu’on sait que les chantiers de la Coupe du Monde 2022 avaient vivement été décriés sur ce point ! Une tache de plus sur un tableau déjà terni par plusieurs incidents concernant les ouvriers et leurs conditions révélés au grand jour.
Bienvenue à « No Man’s Land »
Dans un pays où le droit et la loi règnent, les différentes sociétés du secteur de la construction agissent à la limite de la légalité pour accélérer leurs travaux. De nombreux ouvriers sont effectivement des sans-papiers embauchés sans aucune intention de les régulariser. Cette situation a ainsi mené à une assignation en justice de géants du BTP devant le Conseil de Prud’hommes de Bobigny par dix travailleurs sans papier qui déclarent avoir travaillé « sans contrat de travail, sans fiche de paie sans congés payés ni heures supplémentaires payés » et dénoncent « l’exploitation ». Ces derniers proviennent majoritairement des pays de l’Afrique de l’Ouest ou de l’Afrique centrale.
Certains ouvriers ont même dû se procurer le matériel de protection par leurs propres moyens. La meilleure méthode pour les exploiter est de susciter la peur par la menace, ce dont un ouvrier témoigne : « Un jour, j’avais mal au genou. J’ai demandé à mon patron si je pouvais prendre un ou deux jours de repos. Il m’a dit « si tu n’es pas là lundi tu prends tes affaires ». J’ai dû continuer à travailler malgré la souffrance. La France n’est pas mieux que le Qatar ».
Les rares témoignages recensés sur les conditions de travail ne sont donc pas en adéquation avec le code du travail censé protéger les travailleurs un peu mieux qu’ailleurs. « Les Français ne veulent pas faire ce travail. Sur le chantier, il n’y a presque que des étrangers. Des Pakistanais pour l’électricité, des Arabes pour la plomberie, des Afghans pour la maçonnerie… Les Blancs, ce sont ceux qui sont dans les bureaux. » Après une inspection sur le chantier du village olympique, le parquet de Bobigny a ouvert une enquête pour « emploi d’étrangers sans titre » et « exécution en bande organisée d’un travail dissimulé ».
Par ailleurs, durant la construction de l’Arena de la Porte de la Chapelle dans le 18e, une grève est survenue en octobre 2023, où plusieurs centaines de personnes ont bloqué l’entrée de l’enceinte et occupé les lieux. Cet événement a permis d’amorcer une négociation avec la ville de Paris et les entreprises concernées pour régulariser les ouvriers de ce chantier.
Tout ceci grâce à la mobilisation du syndicat CNT-SO, Confédération nationale du travail – Solidarité Ouvrière et du collectif des Gilets Noirs, composé de travailleurs et travailleuses sans papiers, qui vient mettre en exergue le manque de soutien de l’État envers ces derniers.

« On nous avait promis des chantiers de JO exemplaires »
Finalement, la manière dont se déroulent les constructions vient brouiller le message de l’ex premier ministre, Jean Castex, qui appelait de ses vœux « des Jeux olympiques réussis, à la fois inspirateurs et illustrateurs des aspirations de notre société et des politiques publiques que nous conduisons pour y répondre et pour transformer notre pays ». Un discours totalement opposé à la réalité du terrain qui révèle de nombreuses failles de la part des politique attitrés.
Le 16 juin 2023, Amara Dioumassy, un chef d’équipe d’origine malienne âgé de 51 ans, est mort sur le bassin d’Austerlitz, percuté par un camion de chantier qui faisait marche arrière sans alarme de recul. C’est dans l’indifférence totale que sa famille essaye malgré tout de se battre « pour la reconnaissance et la justice » d’Amara. La situation en France est finalement semblable à celle du Qatar où la « fin justifie les moyens ».

Malheureusement, aucun des drames énoncés ne viendra ternir la fête. À l’instar de la Coupe du Monde organisé par Qatar dont la France critiquait les méthodes, seuls la magie des Jeux Olympiques prévaudra, laissant derrière eux les morts que leurs chantiers auront engendrées. Force est de constater qu’une fois de plus, quand l’argent parle, la philosophie se tait.
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