King Kong est un pur produit hollywoodien réalisé par Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack en 1933.
Le film raconte l’histoire d’explorateurs américains faisant la découverte de “Skull Island” (« Île du Crâne »). Sur cette île imaginaire, située au large de Sumatra dans l’Océan Indien, l’évolution s’est arrêtée il y a des milliers d’années. Les explorateurs sont alors confrontés à King Kong, singe colossal, régnant en maître sur cette île.
Du racisme en veux-tu, en voilà !
D’un point de vue historique, le film dépeint les heures sombres de l’Amérique. L’action se passe en 1933, en pleine crise économique new-Yorkaise nommée la “Grande Dépression”. On y découvre une Amérique au désir de colonialisme où l’exotisme intéresse, intrigue et où le cinéma en fait l’un de ses thèmes majeurs.
Dans les premières scènes, on retrouve une caricature de l’homme Noir, par cette représentation grégaire du sauvage incapable de penser : grimé, dansant autour du feu dans des rituels de paganisme. En effet, dès le 16e siècle, les idées racistes consistent à affirmer que ces hommes n’en ont pas car ils n’avaient pas d’âme (conf. controverse de Valladolid). Stéréotypes qui, à cette époque, sont encore très présents dans les esprits américains. Rappelons que jusqu’en 1933, le Noir ne bénéficie que d’un statut de citoyen américain : ces hommes ne sont pas montrés comme membres d’une civilisation à part entière, ils sont et demeurent des primitifs rattachés au système tribal que les colons qualifient ici d’animisme. Ils correspondent aux clichés de cultures exportées des idéologies racistes dominantes aux États-Unis, notamment la polygamie.
La Peur dans la ville
King Kong : taille gigantesque, force extraordinaire et invincibilité dans les combats, bête cruelle dévoreuse d’hommes, paradoxalement douce avec sa captive bien-aimée (deux faces opposées de son caractère). King Kong est un animal symbolique qui incarne les peurs de l’Occident : forces naturelles et hostiles que l’homme cherche sans cesse à dominer, hantise ancestrale de la bête originelle, barbarie menaçant de destruction l’édifice de la civilisation moderne, dont l’Empire State Building, représentant ici l’orgueil.
Achevé en 1931, l’Empire State Building, à l’époque surnommé “l’abattoir” par les ouvriers qui travaillaient dessus, a été conçu pour être le symbole d’une Amérique victorieuse riant à la face de la Dépression (survenue deux ans plus tôt), capable de se relever alors qu’elle n’avait jamais été aussi durement touchée économiquement.
Mythe ou Fantasme ?
Le mythe du monstre menaçant la vierge blanche est omniprésent, comme le suggèrent les allusions sexuelles du déshabillage d’Ann et du reniflement de ses odeurs.
Dans la première version du film sortie en 1933, Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, les réalisateurs, avaient envisagé comme titre : “The Beast” (« La Bête »). Cooper choisit finalement pour son personnage le nom de Kong, qui était celui d’une chaîne montagneuse, d’une cité et d’un royaume africain du XIXe siècle, dans le nord-est de l’actuelle Côte d’Ivoire. Nom auquel il rajouta le mot de « King » (« roi » en anglais).
Dans l’histoire, cette bête tombe amoureuse d’une femme blanche. Le stratagème fonctionne à merveille : le singe, en adoration devant la belle, est capturé alors qu’il s’approche d’elle, offerte en sacrifice par les indigènes. Il sera ensuite exhibé à New York comme une bête de foire (« la huitième merveille du monde »). Kong se libère de ses chaînes alors que les flashs des photographes le mitraillent. Il grimpe alors au sommet de l’Empire State Building (à l’époque le plus haut gratte-ciel du monde) avec la Belle, avant d’être abattu par des avions de chasse.
Sous couvert de science-fiction, King Kong symbolise le choc des civilisations : Qui est le monstre ? Qui dominera l’autre ? Ce film démontre la capacité d’Hollywood à matérialiser les désirs enfouis de la civilisation occidentale, mais également la vision qu’a l’Amérique sur le monde et les autres civilisations.
1 Commenter
Bazard Tsirobiangbzah
Merci pour ce bel article. J’avoue n’avoir pas su voir les choses sous cet angle, mais à l’évidence c’est bien pertinent tout ce qui y est dit. Merci, merci et merci encore.