culture

L’appropriation culturelle dans le domaine de la mode

par Jennifer

2 juin 2024

Il y a maintenant plusieurs mois, lors de la Paris Men’s Fashion Week, la marque Balmain et son directeur artistique Olivier Rousteing ont fait les choux gras d’une partie de la presse spécialisée dans le domaine de la mode. En effet, Balmain a été accusé de plagiat par Sarah Diouf, la créatrice d’origine sénégalaise de Tongoro Studio, connue pour avoir déjà habillé Beyoncé.

Tout est parti d’un bijou de visage que portaient certains mannequins de Balmain lors du défilé automne-hiver 2024 de la marque. Bijou qui, selon la créatrice, ressemblerait beaucoup au bijou Cairo de sa ligne de bijoux lancée en mai 2019. Si Sarah Diouf reconnaît volontiers que ses bijoux sont inspirés du maquillage porté par les hommes de la tribu Woodabe, elle accuse toutefois Olivier Rousteing de plagiat.

Bien que le sujet ait été traité depuis janvier 2024 par de nombreux articles de presse, il était important pour nous de pouvoir l’aborder sous le prisme de l’appropriation culturelle à savoir : Que signifie vraiment le terme appropriation culturelle ? Quelles en sont les formes ? Comment se matérialise-t-elle ?

L’appropriation culturelle, une perpétuelle lutte des dominés

L’appropriation culturelle pose d’emblée la question de dominants et de dominés. La culture dite dominante s’empare des codes de la culture dite dominée et se les approprie sans jamais la créditer. Pire, les dominés sont souvent discriminés pour ces codes qui, une fois adoptés par les dominants sans le bagage historique afférent, sont acceptés, voire adulés par la société.

Pour Maboula Soumahoro, écrivaine et Maîtresse de conférences en civilisation du monde anglophone à la Faculté des Tanneurs, « l’appropriation culturelle est une escroquerie. C’est du colonialisme. On prend, on transforme et on dit qu’on a fait ».

« C’est trop facile de dire “je prends tel élément de telle culture (d’une culture qui est traditionnellement dévalorisée) et tout d’un coup, puisque je porte mon regard, (un certain regard), il va élever cette culture en œuvre d’art célébrée alors que des gens qui pratiquent  cette culture au quotidien sont stigmatisés », poursuit-elle dans le podcast « Kiffe ta race » produit par Rokhaya Diallo et Grace Ly.

Les formes de l’appropriation culturelle

Que votre collègue non noire se fasse des tresses ou porte du bogolan, ne suffit pas à l’accuser d’appropriation culturelle. Cependant, si elle clame haut et fort avoir inventé ces tresses et ce tissu issus de savoir-faire ancestraux, c’est sans aucun doute de l’appropriation culturelle. La nuance, c’est que dans le 1er cas, c’est un effet de mode ou une certaine coquetterie qui « justifient » son envie de copier certains codes de la culture africaine. Dans le 2e cas, elle fait fi de tout ce qui a été construit durant des siècles par une culture qui a déjà assez souffert de spoliation.

Dans sa tribune dans les colonnes de Libération :  Tous coupables d’appropriation culturelle ? Maboula Soumahoro déclare : « Le métissage doit se faire sur la base de l’égalité, l’emprunt sans gêne, sans compréhension et sans compensation est indécent. »

Aussi, lorsque Kim Kardashian affirme que les Fulani braids que nous connaissions toutes depuis des décennies et qui existaient depuis des siècles, sont des « KK braids » qu’elle a créées, ce sont des siècles de transmission et d’héritage culturel qu’elle foule aux pieds.

Le cas Balmain


Pour en revenir à Balmain et Tongoro Studio, il est légitime de se demander en quoi il s’agit d’un plagiat dans la mesure où Sarah Diouf affirme elle-même s’être inspirée d’une tribu africaine. Cela soulève aussi la question de l’inspiration et la limite entre inspiration et plagiat. On notera ici qu’une autre créatrice, d’origine kenyane, Theresia Kyalo, a à son tour accusé Sarah Diouf de plagiat pour le même bijou qu’elle aurait commercialisé en 1er, début 2019.

Si les bijoux sont inspirés du maquillage de la tribu sahélienne, on peut estimer, à raison, que Sarah Diouf s’en est inspirée et qu’il n’y a donc pas eu de plagiat de la part de Sarah sur la tribu. Cependant, si Balmain, suite à la création de ses bijoux, a réalisé les siens sur la même base, il s’agit bel et bien de plagiat. L’avenir nous dira bien assez tôt le fin mot de l’histoire.