Hip-hop head afro-caribéen, pURpRo est passionné par la pop culture afro-américaine. Son intérêt pour les classiques de la Pensée négro-africaine ainsi que sa sensibilité aux questions qui traversent le Monde Noir contribuent à nourrir cette passion. Dans ce troisième volet, notre critique revient sur le caractère visionnaire de la série Cosby Show, le féminisme assumé incarné par le personnage de Clair Huxtable, en passant par l’influence de l’entertainer Bill Cosby au sein de la communauté afro-américaine…
La famille Huxtable, une représentation alors inédite et visionnaire du vécu afro-américain…

10 Stigwood Avenue
Le visage de Bill Cosby m’est familier depuis très longtemps, c’est le moins que l’on puisse dire. Plus jeune, je l’avais vu « ici et là », dans des comédies … J’avais déjà entendu parler du Cosby Show des années avant d’en voir un épisode. Je savais que c’était l’un des frères les plus riches de l’époque et ça faisait plaisir. Le personnage du Dr Heathcliff Huxtable était l’un des héros de la toute fin de mon adolescence, un homme noir positif, heureux en ménage, auréolé de sa réussite sociale … Ouais … Bill Cosby faisait déjà partie du décor … Je découvre, ce qui ne me surprend pas, qu’il a commencé sa carrière en tant que comédien de stand-up. Je lui connais une certaine implication dans le jazz. Il a mis, paraît-il, un pied dans le monde de la télévision grâce à son rôle dans une série télévisée des années 1960 du nom de I Spy, qui ne me dit rien. Il a développé, me dit-on, un concept de série animée, Fat Albert and The Cosby Kids, qui rencontrera un franc succès de 1972 à 1985. Ça me parle un peu plus … Je tombe sur des vidéos qui me confortent dans l’idée que l’arrière-pensée de Bill Cosby est de constamment créer du contenu à caractère éducatif. Une autre idée qui me vient, au fur et à mesure, est celle que l’entertainer était dans une position assez confortable, en termes d’influence et de force de frappe financière, pour défendre un projet tel que le Cosby Show.

Je perçois assez facilement le caractère visionnaire de son projet. C’est plus ou moins la première fois que l’african-american experience est portée à l’écran de cette façon. Une famille aisée mais qui n’étale pas spécialement son pouvoir d’achat, de façon à ce que le public, en particulier celui de la classe moyenne, s’y reconnaisse sans difficultés. Une famille qui vit en bonne intelligence avec un voisinage principalement blanc, qui est très bien intégrée, mais qui ne renie aucunement son ancrage culturel. Une famille dans laquelle les enfants sont correctement encadrés et guidés vers la réussite mais ne subissent pas de pression destinée à en faire des overachievers. Quelque chose d’inédit, en son temps, mais de plausible. Le caractère plausible de cette représentation constitue la principale force de ce programme. Il permet, en particulier, de s’accommoder du fait que Sabrina Lebeauf, l’actrice qui incarne Sondra, l’aînée des Huxtable, est âgée d’à peine une dizaine d’années de moins que Phylicia Rashad – qui joue le rôle de Clair Huxtable, sa mère, donc – ou de la présence « inexplicable » d’enfants visiblement « bi-raciaux », Sondra et Denise, aux côtés de Theo (Malcolm-Jamal Warner), Vanessa (Tempest Bledsoe) et Rudy (Keshia Knight Pulliam), qui ne le sont visiblement pas. Détails que tout cela : le tout est globalement plausible. Rajoutons à cela que la « diversité » n’aura jamais été représentée de façon aussi naturelle, fluide et respectueuse que dans cette série. Je pense, par exemple, à ce collègue et ami médecin de Cliff, clairement afro-caribéen, et je me rends compte que je ne vois jamais ce genre de personnages à l’écran. Je pense à ces moments où Cliff, toujours lui, est de corvée de baby sitting de masse et qu’il gère une foule juvénile aux origines multiples tel un super moniteur de colonies de vacances. « America’s dad », le père préféré de l’Amérique…

Que dire du personnage de Clair Huxtable, l’élégance et la classe faites femme ? Avocate dont le succès professionnel ne fait aucun doute, elle s’investit avec la même énergie dans sa vie de famille. J’ai le sentiment qu’aucune actrice n’aurait pu incarner mieux que Phylicia Rashad ce rayon de soleil qui aurait décidé, pour je ne sais quelle raison, de prendre forme humaine. Il y a cette scène culte dans laquelle Elvin (Geoffrey Owens, dont les réseaux ont récemment commenté la situation professionnelle), alors petit ami de Sondra, se fait souffler dans les bronches par Clair à cause de sa vision rétrograde de la dynamique des rapports entre époux … Cette scène revient, de temps en temps, hanter mes divers fils d’actualité, comme pour montrer à quel point le propos reste pertinent une trentaine d’années après. Je suis fasciné par ce féminisme affirmé et serein. Il réveille mon Heavy D intérieur : « je n’ai que de l’amour » pour Clair Olivia Huxtable !