L’étrange cas du Dr Huxtable et de M. Cosby (5/6)


Hip-hop head afro-caribéen, pURpRo est passionné par la pop culture afro-américaine. Son intérêt pour les classiques de la Pensée négro-africaine ainsi que sa sensibilité aux questions qui traversent le Monde Noir contribuent à nourrir cette passion. Dans ce cinquième volet, notre critique explique prendre conscience de certains aspects de la personnalité de Bill Cosby, et du fait que celui-ci ne fasse désormais plus l’unanimité au sein de la communauté afro


M. Cosby, la part d’ombre de Bill Cosby…

“Respectability Politics”

Nous sommes entre 2014 et 2018 … J’ai récemment bloqué l’un de mes contacts Facebook. Le genre de rebelles conformistes qui miment constamment le fait d’avoir une personnalité et des opinions construites… Un jour, ledit rebelle m’a particulièrement agacé. Il parlait de la prétendue islamophobie de Bill Cosby, du fait qu’il n’avait pas tant fait que ça pour la communauté, etc. : « BLOCKEDT » ! Pour qui se prend-il, au juste ? Serait-il capable d’apporter ne serait-ce que 0,5 % de ce que Bill Cosby a apporté ?

Sur les plans intellectuel et culturel, je trouve l’espace francophone navrant. Il est surtout difficile, pour moi, d’y interagir de façon satisfaisante sur les problématiques du Monde noir, qui me tiennent à cœur. Black Internet, en revanche, me fournit un espace de divertissement où fourmillent les stimulations, une boîte à outils idéologique améliorée. D’une certaine manière, j’ai le doigt sur le pouls de quelque chose de vivant, dont je ressens l’évolution. Plus près de moi, j’ai des gens en retard de plusieurs années – on est en France, c’est culturel –, qui, par conséquent, ne peuvent que singer les indignations du moment. Je suis à un stade auquel je m’intéresse plutôt à des concepts, à des notions … Celle de respectability politics, par exemple …

Paradoxalement – ou pas –, je découvre le concept alors que j’assiste, en temps réel, à une réémergence d’une forme d’acceptation, de célébration de l’autre, de ses imperfections, au sens large, voire de ses contradictions. Ça me plaît … Quelles que soient lesdites imperfections, nous avons toutes et tous droit au respect de notre dignité, nous avons toutes et tous en nous, non pas « quelque chose de Tennessee », mais bien une étincelle divine. J’aime bien ça …

Aussi, malheur à celui ou celle qui se fait prendre en flagrant délit de racisme, de sexisme, d’homophobie ou de « validisme », c’est sûr, mais aussi de shaming, en particulier de fat shaming ou de hoe shaming : tout le monde a droit au respect de sa dignité ! Aussi, la respectability politics – en tant que tendance de certains éléments d’un groupe marginalisé à marginaliser à leur tour celles et ceux, au sein du même groupe, qui ne répondraient pas, pour faire simple, à certaines exigences sociales à l’aune desquelles serait mesurée leur éligibilité au respect – jure avec l’époque. À peine entrevois-je, grâce à quelques recherches, les enjeux de cette question en termes de condition des Noirs que je tombe sur le fameux « Pound Cake Speech ».

Un peu de « contexte »… 50 ans après l’arrêt rendu par la Cour suprême des Etats-Unis dans l’affaire Brown c. Board of Education of Topeka, dans laquelle cette juridiction déclare inconstitutionnelle la ségrégation dans les écoles publiques, la NAACP organise un genre de remise des prix pour commémorer l’avancée en question. Du coup, « en toute logique », j’imagine, Bill Cosby est invité et il est censé prononcer un discours. Il se lance alors dans ce qui sera, à raison, perçu comme une violente diatribe contre les pauvres ainsi que la classe moyenne dans la Communauté afro-américaine et le fait qu’à certains égards ils ne se soient pas montrés à la hauteur des combats précédemment menés par les militants des droits civiques.

Le fameux passage sur les gens qui se font tirer dessus par la police pour une part de quatre-quarts et qui, au fond, l’auraient bien cherché… Bill Cosby, dans un rôle que je ne lui connaissais pas vraiment, Bill Cosby dans un registre qui me met mal à l’aise… Je me dis toutes sortes de chose … Qu’il essaie de créer un électrochoc, qu’il s’agit plus de maladresse qu’autre chose… Je me demande si l’on peut résumer son personnage à ce qui, de toute évidence, constitue une sortie de route pure et simple. Une chose est sûre : il adopte une posture exagérément moralisatrice, qui d’ailleurs « brouille le message », et il le fait de façon radicale au mieux, intempestive au pire. Du coup, je repense à l’éviction de Denise Huxtable de l’« Univers Cosby Show »

Le fait qu’ADW ait changé de centre de gravité est l’une des meilleures choses qui soient arrivées à la télévision afro-américaine. Cela étant, Lisa Bonet s’est quand même faite virer du show parce qu’elle était tombée enceinte de Lenny Kravitz ! Déjà le côté moralisateur de Bill Cosby… Je ne suis pas super à l’aise avec ça, en fin de compte… Je perçois d’ailleurs une ligne de fracture sur Black Internet… Le personnage ne fait pas autant l’unanimité que j’aurais pu le penser … Nous sommes entre 2014 et 2018 …

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