Nous ne pouvons que rendre hommage aux jeunes soldats français récemment morts au Mali, à leurs engagements ainsi qu’à tous ceux engagés pour la défense de leurs pays. Il est cependant de notre responsabilité de remettre en question la légitimité de ces interventions et leurs objectifs. Il nous faut nous interroger sur leurs véritables intentions : lutte contre le terrorisme, occupation géostratégique, préservation des intérêts français dans les anciennes colonies ? Quelles sont-elles réellement ?
Bien qu’il soit évident que ces jeunes soldats ne font que leur devoir en obéissant aux règles, nous ne devons pas oublier que leurs homologues maliens, camerounais, ivoiriens, centrafricains, nigériens et autres, meurent également durant cet interventionnisme. Avant d’aborder le sujet en profondeur, il est bon de rappeler que la seule chose que nous souhaitons est que ces « échanges » puissent réellement être bénéfiques et aider ces pays à acquérir leur autonomie en matière de défense et de sécurité.
Cela peut sembler prématuré et présomptueux de mettre le doigt sur les conditions de décès de ces soldats mais, il nous vient en mémoire la mort de jeunes engagés en Afghanistan, épisode qui a, par la suite, mis en lumière le manque d’équipements avec pour conséquence une lourde défectuosité dans les conditions d’engagement. Dans le cas malien, les points discutables sont les suivants : comment les charges ont-elles été déclenchées ? Si cela s’est produit sur une mine, pourquoi n’y avait-il guère de véhicule éclaireur anti-mine ? Quelle étaient les conditions d’engagement de ces militaires ?… Il est plus que nécessaire de démontrer que toutes ces questions de sous-équipements de l’armée française, censée établir un coopération efficiente avec les forces locales, ont été mainte fois soulevées.
Qu’en est-il de l’instrumentalisation de la « grande muette » ?
Pour ce qui est des soldats morts en Afghanistan, par exemple, les journaux étrangers n’ont pas hésité à indiquer ce que les médias français ont occulté [1] : les militaires français étaient mal équipés !
En ce qui concerne la Centrafrique, même si les choses sont bien plus complexes, des informations ont été publiées au sujet du manque d’équipements [2] et de la précarité des camps [3], certains militaires devant acheter eux-mêmes leurs équipements pour pallier à la lenteur administrative. Les conditions de vie étant très compliquées en raison du contexte de guerre civile, nous pouvons imaginer les conséquences sur le moral des troupes, bien qu’il ne soit, ici, nullement question de les dédouaner quant aux actes avérés de pédophilie doublés d’incitation à la zoophilie dont elles se sont rendues coupables, comportements abjectes et injustifiables, à peine médiatisés par les médias de l’Hexagone.
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La précarisation de l’armée française pourrait ainsi rentrer dans le cadre d’une stratégie plus globale, car sans cela, comment expliquer que la zone francophone reste aussi poreuse en matière de sécurité, et que ces dernières années, les attentats les plus sanglants aient eu lieu dans les pays où l’armée française était présente ?
À qui la précarisation profite-t-elle ?
Cette précarisation, artificielle ou non, qui rend inefficace tout échange, et maintient les troupes dans une situation ingérable, rend par ailleurs, impossible la résolution optimale des problèmes rencontrés, avantageant ainsi certains groupes terroristes suréquipés qui bénéficient d’une logistique encore très mal définie par les services de renseignement.
Il serait intéressant de savoir si les budgets alloués à chaque intervention sont équitablement répartis et orientés. Des budgets administrés de manière à ce que certains sous-traitants dans le domaine de la logistique, de la restauration ou de la fourniture d’équipements, ne soient pas privilégiés et/ou ne puissent pas surfacturer.
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Cette précarisation a, en outre, pour conséquence de maintenir une forme de statu-quo dans l’instabilité des zones d’intervention française, statu-quo qui, à chaque attentat et action terroriste, devient une occasion pour certaines multinationales et politiques français de renforcer leur présence dans les zones francophones, sans résultats manifestes en matière de sécurité (attentats du Grand Bassam, Radison, Tchad, Mali…).
Oserons-nous arriver à la conclusion que nos armées et nos jeunes soldats soient, malgré eux, victimes de l’affairisme politique et géostratégique invalidant de fait, notre support dans la lutte contre le terrorisme ? Force est de constater qu’il nous faut aller encore plus loin dans nos investigations qui malheureusement nécessitent la levée du secret-défense…
Ahamada Baroini
[2] http://www.afrik.com/centrafrique-les-soldats-francais-sous-equipes
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