portrait

Samir Sabé, l’envol d’un créateur audacieux

par Aïssatou

31 oct. 2024

Son visage, son style, son audace ne vous a peut-être pas échappé si vous êtes, comme la plupart d’entre nous, un peu accro aux réseaux sociaux. À 21 ans, Samir Sabé s’impose comme l’un des nouveaux visages de la mode parisienne. Créateur de contenu, artiste pluridisciplinaire et passionné par la représentation des minorités, il jongle entre fashion week, shootings et projets artistiques engagés. Toujours accompagné de Laourath, sa grande sœur et sa manageuse, le créateur de contenu trace sa route dans un milieu où les opportunités pour les hommes noirs restent rares, mais où lui refuse de voir des limites à son ascension. Rencontre.

Il est 14h38, devant le Palais de Tokyo, sous le ciel gris de la capitale. Une silhouette vêtue d’une immense fourrure couleur crème, avance d’un pas pressé. C’est Samir Sabé, accompagné de sa sœur aînée et manageuse, Laourath. Ils sortent tout droit d’un événement organisé par Instagram et ont couru pour arriver à temps à leur second rendez-vous avec BY US MEDIA, en ce lundi 23 septembre.

Pas le temps de souffler ! Ni une ni deux, Samir Sabé indique le lieu du shooting. Ce sera le Palais Galliera, qui abrite également le musée de la mode de Paris, un lieu que le jeune homme de 21 ans affectionne tout particulièrement. C’est aussi dans ces lieux que Samir a filmé son projet « réminiscence » où il a mis en avant la beauté des cheveux afro et les multiples carnations de peaux des femmes noires.

@samirsabe_

My proudest project directed by myself in 2023

♬ son original – SAMIRSABΞ

La séance photo débute. On comprend alors que sa tenue n’a pas été choisie au hasard. Celle-ci matche parfaitement avec ces pierres de calcaire qui habillent l’édifice. Tout est savamment pensé.

Le créateur de contenu Samir Sabé photographié par Ami pour BY US MEDIA

Samir, le passionné

Le créateur de contenu mode a le sens du détail ! La préparation d’une fashion week ne lui prend pas moins de 3 mois. Cette dernière comprend la sélection des tenues qu’il portera “selon une direction artistique bien spécifique”, tient-il à préciser, mais aussi la création de contenus qui peut nécessiter un casting, la création de bande-son et plus encore. Une des raisons pour laquelle il se définit comme artiste. Et à juste titre ! Car, en plus de la mode, l’humour, la photo, la vidéo et la chanson sont eux aussi des composantes de son talent qu’il exploite avec brio sur les réseaux sociaux.  

Toutes les créations de Samir répondent à un objectif commun, celui d’inspirer celles et ceux qui, comme lui, ont manqué de représentations, de figures à leur image. 

Le projet Black Brotherhood (La Fraternité Noire) s’inscrit dans cette dynamique. Ce projet qui lui tenait spécialament à cœur a nécessité près de 4 mois de travail. “J’ai grandi entouré de femmes, ce n’est que plus tard que j’ai expérimenté la fraternité. L’idée était d’exposer la beauté et l’entraide au sein même de la communauté masculine noire.” 

Le jeune artiste sait que le chemin sera long, conscient du manque d’opportunités auxquels font face les hommes noirs en France. Pour autant, il refuse d’en faire une fatalité. Pour y arriver “il nous faudra travailler 4 fois plus”. Une discipline qu’il s’auto-applique, parfois au détriment de sa santé, allant jusqu’à sauter des repas ou encore en accumulant des journées de travail sans sommeil. “Je n’ai encore rien accompli, j’ai encore des rêves plein la tête” déclare t-il, empreint de modestie 

Entre deux averses, Samir nous fait une confidence. Contrairement à ce que beaucoup pourrait croire, la mode arrive au second plan. “La musique est ma passion première et c’est avec ça que j’ai commencé sur Tiktok, mais ça n’a pas eu l’effet escompté. Mon contenu mode, quant à lui, me permettra de trouver mon public”

Bien qu’ayant franchi la barre des 100k sur Instagram et des 160k de followers sur TikTok (le jeune homme avait précédemment un compte dépassant les 400K followers), Samir n’oublie pas le chemin parcouru pour en arriver là. Sa gratitude va à ses abonnés, ses amis et à sa famille. “C’est grâce à eux que je suis là aujourd’hui”, clame t-il fièrement. C’est auprès de ces derniers qu’il “puise ses ressources”.

Samir Sabé devant le Palais Galliera à Paris

Prendre le risque de vivre sa passion 

Tout commence lorsqu’après avoir obtenu son baccalauréat, sa mère lui pose une condition après qu’il lui ait fait part de sa volonté d’arrêter ses études, avec dans le viseur la poursuite de ses passions : “Pendant un an, tu te donnes à 100% pour poursuivre tes passions, si ça ne marche pas tu retournes à l’école”. Le rêveur lucide n’a, depuis, pas repris le chemin de l’école… 

Une école qui ne lui a pas toujours fait de cadeaux, avant qu’il ne s’affirme en classe de 5ème pour mettre fin au harcèlement scolaire qu’il subissait. Une confiance en soi qu’il le suit depuis lors et qui se manifeste notamment à travers ses coupes de cheveux. En effet, au collège, Samir arbore son afro à la façon Hi-top fade, cette coupe de cheveux emblématique des années 80 rendue populaire par Will Smith dans la série télévisée Le prince de Bel-Air.  Les cheveux occupent une place prépondérante dans ce qu’il incarne, il n’hésite d’ailleurs  pas à créer du contenu pendant ses rendez-vous coiffure avec la talentueuse Taihair, durant l’exécution de sa célèbre coupe signature, la Samrows. 

À deux reprises l’influenceur  signe en agence, avec toujours à ses côtés Laourath. La première expérience dure un peu moins d’un an, après s’être rendu compte qu’elle ne lui apportait pas de réel valeur ajoutée. Elle sera suivie d’une autre expérience en agence qui lui ouvrira davantage de portes. 

“La mention “en agence”, m’a valu d’être invité à bon nombre d’événements. Avant cela, je me contentais d’être présent aux abords des lieux où se déroulaient les défilés, avec un look sophistiqué dans le but de me faire remarquer mais également pour réseauter”, se souvient Samir. Cette deuxième expérience prendra fin au bout de deux ans. Une séparation qui se fera toujours en de bons termes. “Bien que ces décisions aient été une grosse prise de risque, travailler solo c’est ce qui me convient le mieux”, confie-t-il. Avant de poursuivre : “Je ressentais comme un besoin de liberté et de reprendre le dessus sur mon contenu”

En route pour la Fashion Week Paris

Le shooting prend fin. Samir valide le travail de la photographe. Il est déjà prêt à s’envoler pour l’avant-dernier événement de la journée : un défilé de mode de la marque Weinsanto. S’engage alors une course effrénée le long de l’avenue du Président Wilson, direction la bouche de métro Iéna. Le vent fouette la fourrure imposante qui l’enveloppe, donnant à Samir l’air d’un oiseau en en plein vol. 

Samir poursuit sa route pour assister à son défilé de la semaine. Il est maintenant seul dans le sous-sol Parisien, après s’être séparé de sa sœur descendue quelques arrêts auparavant. En ce premier jour de Fashion Week de Paris, les clients de la Ratp ont le droit à un défilé de mode offert par Samir se frayant un chemin, afin de rallier la ligne 11. “Le métro c’est mon catwalk !”, s’amuse t-il.

Le voici arrivé à Beaubourg, la cadence de ses pas s’intensifie. Soucieux d’arriver à l’heure à son défilé, Samir est néanmoins concentré. Rien pour le perturber, pas même la passante qui hurle à en perdre la voix : “Wouaaah il a un super manteau !”. Celui-ci est accueilli par un concert d’éclairs provoqué par un nuage noir de photographes prêts à immortaliser le passage de l’homme à la fourrure crème. Quelques poses photo s’imposent. À peine le temps pour nous de reprendre notre respiration, notre influenceur mode est déjà dans la queue. Son bracelet d’invitation en main, il nous enjoint d’un signe à le suivre. Aucune chance de le rattraper, nous le perdons de vue. L’escalator l’emporte.

Samir Sabé devant le Centre George Pompidou photographié par Ami pour BY US MEDIA

Une montée en altitude à l’image des aspirations futures de Samir. La coordination de projets en tant que directeur artistique en privilégiant d’être derrière la caméra, la poursuite de la musique, “et pourquoi pas de l’acting en jouant mon propre rôle?” s’interroge-il en souriant. Créer sa marque de vêtements lui tient également à cœur. Et quand on lui demande s’il a des idées de ce à quoi pourrait bien ressembler ses créations, il nous balance avec panache : “C’est déjà clair dans ma tête !”

C’est un oiseau majestueux que l’on voit s’envoler vers le toit de Beaubourg, le centre national d’art et de culture.