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Togo : le marché du troc a encore de beaux jours à Togoville

par Mamadou

17 avr. 2021

À Togoville, au Togo, se tient l’un des derniers marchés du troc de l’Afrique de l’Ouest. Les transactions monétaires y sont interdites. On y échange uniquement des produits nécessaires à la survie et à la dignité humaine. Une tradition ancestrale salvatrice perpétuée dans cette région conservatrice qui entretient un lien étroit avec ses coutumes.

Togoville est une petite ville de 10 000 habitants située dans la région maritime du Togo, près du lac Togo. Elle détient l’un des derniers marchés du troc en Afrique de l’Ouest. Celui-ci se pratique entre les commerçants qui détiennent des habits, des chaussures, etc. et ceux qui détiennent des produits d’alimentations tels que du riz, du poissons ou encore du poulet. Les échanges peuvent aussi se faire entre produits de consommation.

le marché de troc à togoville

L’émissaire Alohou Papa est désigné par le chef du village pour régir le marché. Debout au milieu du marché et entouré par des troqueurs en liesse, ce dernier lance le top départ de la vente. Il utilise un sifflet dans lequel il souffle de toutes ses forces, suivi d’un message bien clair dont il est le porteur : «  Il est neuf heure du matin, le chef du village m’ envoie vous annoncer que les échanges peuvent maintenant démarrer. Pas de disputes et pas de provocation ». Un rituel tiré de la tradition ancestrale qui annonce l’ouverture le marché de troc qui a lieu tous les samedis sur les rives du lac Togo.

L’émissaire Alohou Papa qui donne le coup d’envoi du troc

La transaction monétaire est interdite dans ce marché où se rencontrent des commerçants, pêcheurs et cultivateurs des villages de la région. Toutes sortes de marchandises sont échangées, mais celles qui sont plus demandées sont : les céréales, le poulet, le poisson et les fruits de mer.

Simon Tovor, le conseiller spécial du Roi Mlapa VI, également chef de canton, précise que « Togoville est un village conservateur. Autrefois, nos parents vivaient des produits de la terre et de la mer. Ils s’échangeaient ces produits et vivaient dans une parfaite ambiance ». Cette tradition est perpetuée « pour ne pas perdre les traces de nos grands-parents. Nous avons jugé bon de préserver cette pratique. Il faut montrer aux enfants la manière dont nos parents ont vécu ». La conservation des traditions ancestrales reste primordiale dans cette localité où tout le monde vivait en harmonie.

Une femme qui pèse ses produits en attendant l’arrivée des clients

Le troc une façon de pallier la cherté de la vie 

Si le troc permet de conserver les traditions ancestrales, c’est aussi une façon de faire face à la cherté de la vie. La pauvreté touche près de 8 millions de Togolais alors même que les produits de première nécessité sont en hausse. Les populations de certains villages enclavés n’ont pas les moyens d’acheter des produits de base. Dans ce marché qui est un peu la caverne d’Alibaba, des troqueurs de Togoville et des villages environnants peuvent échanger divers produits.

« Les commerçants apportent les chaussures, les costumes, les boissons », raconte James Dotse, un chef local. « En échange, nous donnons les (produits des) cultures qui réussissent bien chez nous, c’est-à-dire le maïs et le haricot. »

Atsupi Fiodjio vient ici tous les samedis depuis plus de 25 ans. Assise sur une brique, cette commerçante originaire d’un village voisin propose des poissons fumés.

« Je viens chaque samedi avec deux ou trois grands paniers de gros poissons fumés et je rentre chez moi en fin de journée avec au moins trois sacs de maïs, de haricot et de voandzou (sortes de gros haricots jaunâtres) », explique-t-elle.

« Je les revends dans notre marché où ces céréales s’écoulent très rapidement car la population est en majorité constituée de pêcheurs. On ne cultive rien », explique Mme Fiodjio, entourée d’une dizaine de clients.

Le marché du troc de Togoville permet à cette population touchée par la pauvreté de s’échanger des produits et de pouvoir vivre de ce qui provient de leur terre. Une façon d’éviter à ceux qui n’ont pas assez d’argent d’avoir accès aux produits de base. Ce système de commerce où revendeurs et acheteurs y trouvent leur compte a disparu dans plusieurs localités en Afrique. Le remettre au goût du jour pourrait constituer une alternative au manque d’argent dû au chômage qui est véritable fléau.