Au Nigéria, le yoruba remplace désormais l’anglais en devenant la langue administrative
Lors de la colonisation, les Britanniques ont fait de l’anglais la langue officielle du Nigéria. Pourtant, celui-ci n’a jamais été la langue de prédilection du pays. Désormais, le yoruba remplace l’anglais en devenant sa langue administrative.
Ancienne colonie britannique, le Nigéria est le pays le plus peuplé d’Afrique, si bien que plus de 500 langues y sont parlées. Jusqu’à présent, l’anglais était vu comme la langue officielle du pays. Or, s’il est réputé pour son élitisme, celui-ci est rarement parlé en dehors des grandes villes comme Lagos.
LA PLACE DE LA LANGUE ANGLAISE AU NIGÉRIA
À la fin de la colonisation, l’anglais est devenu la langue officielle du Nigéria, favorisant ainsi une unité linguistique. De fait, il est considéré comme une « langue véhiculaire ». Son but étant de permettre aux divers groupes linguistiques de se comprendre entre eux, en se joignant autour d’une seule et même langue.
Le Nigéria est un pays plurilingue. On distingue la langue que l’on parle chez soi, de celle parlée au bureau, entre amis, ou encore à l’école. Tout cela a donc concouru à l’enracinement de l’anglais en tant que langue officielle au sein pays.
Au cours des siècles, l’anglais a évolué pour donner naissance au Pidgin ou Broken English finalement parlé par la majorité des Nigérians. Ce dialecte, exclusivement oral, comprend de l’anglais, du créole provenant des Caraïbes, et du portugais ramené par les navigateurs.Bien que ce soit un anglais revisité, le Pidjin est compris par la majorité. Véhiculaire, il facilite la communication au sein d’une population qui compte une grande part d’analphabètes qui ne se voit pas mise à l’écart, au motif qu’elle n’a pas étudié l’anglais.
Un problème se pose néanmoins. Très présent, le pidgin est par conséquent susceptible de prendre le dessus sur des langues telles que le Igbo, l’Haoussa ou encore le Yoruba, bien qu’enseignées dans le système scolaire. Dans le même temps, l’étude de ces langues majeures, dont au moins l’une doit être maitrisée, contribue au maintien de la diversité linguistique du Nigéria.
Paradoxalement, le pidgin s’est imposé de telle façon qu’il aurait pu devenir la langue officielle du Nigéria, ne laissant que très peu de place pour les autres langues. En outre, bien qu’il soit parlé par des dizaines de millions de Nigérians, il reste critiquable puisque qu’il s’agit d’un anglais dénaturé comme le démontrent ces quelques termes : « You sabi ? ». « You » vient de l’anglais « toi », tandis que « saber » vient du portugais « savoir ». On aurait ici l’équivalent de la phrase « Est ce que tu sais ? »
LE YORUBA FAIT IRRUPTION DANS L’ADMINISTRATIF

Jusqu’à présent, l’anglais n’avait jamais été détrôné puisqu’étant représentatif du pays. Muhammadu Buhari, l’actuel président du Nigéria a émis le souhait de faire du yoruba la langue administrative officielle du Nigéria. Il s’agirait donc de renoncer à la langue coloniale, mais seulement partiellement.
Cette décision est vue comme un moyen de promotion des langues africaines. Elle permettrait par ailleurs d’éviter d’exclure de la société les analphabètes souvent en prise avec une langue (l’anglais) qu’ils ne maîtrisent pas. Ces derniers auraient ainsi la possibilité de s’impliquer dans le développement du pays tout en étant compris.
Désormais langue administrative du Nigéria, le yoruba est une porte vers l’inclusivité, de sorte que la langue maternelle ne soit plus un frein. Cette décision vient également en réponse au processus en cours de suppression des langues coloniales dans le système administratif. Le choix du yoruba, qui est à la fois une ethnie, s’explique par le fait que 20,6 % de la population nigériane est yoruba, soit 39,6 millions de personnes.
Ainsi, la culture yoruba affirme par la biais d’un dicton qu’ « un enfant qui parle sa langue maternelle ne perd jamais ses sources ». Chose qui devrait enfin se vérifier puisque l’intention était de faire abstraction de la langue coloniale du pays au profit des langues majeures qui constituent le patrimoine culturel du Nigéria.
