Violences policières aux États-Unis : Le lourd tribut de la communauté afro-américaine
L’affaire Sonya Massey, une mère de famille abattue par un policier blanc, ravive le débat sur les violences policières et le racisme systémique aux États-Unis, mettant en lumière l’urgence d’une réforme des forces de l’ordre.
Le 6 juillet 2024, dans la ville de Springfield en Illinois, un nouveau drame lié aux violences policières a secoué le pays. Sonya Massey, une mère de famille de 36 ans, a appelé la police pour signaler un cambriolage à son domicile. Ce qui devait être une intervention de routine s’est tragiquement transformé en un énième cas de violence mortelle. Sonya Massey a été abattue chez elle de plusieurs balles dans la tête par l’agent Sean Grayson, un policier blanc âgé de 30 ans.
L’incident, filmé par les caméras portées par les policiers, a choqué le pays lorsque des extraits de la vidéo ont été diffusés sur les réseaux sociaux. On y voit Sonya Massey obtempérer aux injonctions des policiers et éteindre le feu sous une de ses casseroles afin d’éviter tout risque d’incendie. Malgré l’absence manifeste de menace, l’agent Grayson sort son arme et tire à plusieurs reprises, tuant Sonya Massey sur le coup.
Ses dernières paroles, « Je vous renie au nom de Jésus », ont été suivies d’une réponse glaçante de l’officier : « Vous feriez mieux de ne pas le faire ou je jure devant Dieu que je vous tire une putain de balle dans le visage ». L’agent Grayson pensait à tort que Sonya Massey avait l’intention de lancer la casserole d’eau bouillante dans sa direction.
Un gout de déjà vue…
Cet incident rappelle d’autres affaires similaires, notamment celle de Breonna Taylor tuée par la police en mars 2020, et celle, tristement célèbre, de George Floyd en mai de la même année. Les violences policières envers la communauté noire américaine ne sont pas nouvelles, mais leur persistance et leur intensité suscitent de manière accrue l’indignation au niveau international.
Lire aussi : ÉTATS-UNIS : INDIGNATION APRÈS LA MORT D’UNE JEUNE AMBULANCIÈRE NOIRE TUÉE PAR LA POLICE
Selon une étude de Mapping Police Violence en 2022, 31 % des personnes tuées par la police aux États-Unis étaient noires, alors que cette communauté ne représente qu’environ 13 % de la population américaine. Cette disproportion alarmante est révélatrice d’une utilisation excessive de la force envers les Afro-Américains.
Le cas de George Floyd, qui a été maintenue au sol avec un genou sur son cou pendant plus de neuf minutes par le policier Derek Chauvin, a marqué un tournant dans la prise de conscience collective. Sa mort a provoqué des manifestations de masse, aux États-Unis, mais également dans le monde entier, sous la bannière du mouvement “Black Lives Matter”.
Si l’ancien policier a été condamné à 21 ans de prison pour meurtre au second degré, cela n’a pas suffi à apaiser les tensions ni à résoudre le problème systémique. Suite à l’ampleur du mouvement, plusieurs États ont demandé une réforme de leurs polices, dont la ville de Minneapolis. Celle-ci prévoit notamment de n’utiliser la force qu’en cas de nécessité et proportionnellement à la menace perçue, l’interdiction du profilage racial et la création d’un fichier nationale des policiers licenciés pour abus.

Cependant, ces réformes restent pour l’heure insuffisantes face à la réalité des violences policières. Le 18 avril 2024, Frank Tyson, a lui aussi perdu la vie dans l’Ohio, maintenu au sol sous le genou d’un policier blanc. L’homme de 53 ans, qui avait signifié aux policiers qu’il n’arrivait pas à respirer, est mort sur le coup.
D’autres cas, comme celui d’Elijah McClain en 2019, démontrent une indifférence notoire de la part des forces de l’ordre. Ce jeune homme de 23 ans, est mort dans le Colorado, après avoir été arrêté par la police et sédaté par les secouristes. Le seul policier condamné dans cette affaire, Randy Roedema, a écopé de 14 mois de prison pour homicide involontaire, malgré les circonstances troublantes entourant la mort d’Elijah, qui n’avait à aucun moment représenté une menace.
Racisme d’État ?
En septembre 2023, des experts de l’ONU ont mis en lumière le “racisme systémique” au sein des systèmes policiers et judiciaires américains. Selon leur rapport, les Afro-Américains ont trois fois plus de risques d’être tués par la police que les Blancs, et 4,5 fois plus de risques d’être incarcérés.
Lire aussi : ÉTATS-UNIS : LES HOMMES NOIRS PURGENT UNE PEINE DE PRISON PLUS LONGUE QUE LES HOMMES BLANCS POUR LE MÊME CRIME
Ces statistiques et ces affaires soulignent l’urgence de réformer en profondeur les méthodes d’action de la police américaine. L’usage disproportionné de la force, en particulier les prises d’étranglement avec le genou, doit être aboli.

Le but principal des prochaines réformes sera donc de mettre fin à l’impunité policière et de rétablir la confiance entre les forces de l’ordre et les communautés qu’elles sont censées protéger.
Bien qu’il y ait une prise de conscience collective face à ce fléau, l’absence d’une volonté politique ferme contre les violences policières est à déplorer. Les prochaines élections présidentielles seront donc décisives pour ce qui est de mettre fin à un schéma d’inégalités de traitement instauré par les institutions. Chaque intervention de la police représente un risque pour les Afro-Américains, traumatisés par ces assassinats injustifiés et récurrents, désormais filmés et relayés sur les réseaux sociaux pour la plupart.
Gabrielle Bellay Povia
