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Yoan Prat, la course permanente vers les sommets

par Lilian

5 juil. 2024

Yoan Prat est le co-fondateur de Yard, un média essentiellement tourné vers la culture urbaine. Le jeune homme a su, au fil de sa carrière, se doter de multiples casquettes, afin de répondre à des besoins individuels mais également collectifs. De média radio à organisateur de la plus grande cérémonie des cultures urbaines en France, Yoan Prat carbure au « seum » positif. Dans quelques jours, il s’attaque au plus grand projet de sa carrière, le festival Yardland.

Il est au centre de nombreux projets de la culture urbaine en France. « Il » c’est Yoan Prat, cofondateur du média Yard, qui s’est imposé au fil des années comme un média incontournable aux yeux des fans de la culture hip-hop ou autres. 

Yoan Prat est né d’une mère originaire de Bayonne dans le  Sud-Ouest de la France et d’un père d’origine centrafricaine. Peu après sa naissance, sa mère décide de l’élever en Centrafrique jusqu’à l’âge de 6 ans, dans un cadre de vie qui forge la mentalité du petit Yoan. Il apprend le sango, la langue nationale du pays et grandit dans un milieu où bien que métis il est considéré comme blanc ( « Mounzou kaba » en sango) et affectueusement surnommé « Obama » (carrément !).

Lors d’un moment d’échange avec l’une de nos journalistes, Yoan a confié avoir fait de cette « double » identité une force. En effet, sa mère est sa principale inspiration, « c’est une battante » ! Du côté paternel, il y a son oncle, le grand frère de son père. Celui-ci va jouer un rôle clé dans son éducation et sa vision.

Pour la petite histoire, lorsque son père et cet oncle débraquent en France dans les années 80, ce dernier arrive avec une soif d’entreprendre librement sans être perturbé par quelque discrimination que ce soit, il a « la mentale ». Éveillé sur la condition des immigrés en France et leurs difficultés à être pris au sérieux, il décide d’exporter ses talents aux États-Unis après avoir obtenu son diplôme français. Plus tard, sa mère enverra le jeune Yoan, deux étés de suite durant ses années lycées, chez son oncle installé à Seattle, afin de lui faire découvrir d’autres horizons. 

Pour ce fan de basket et du joueur Allen Iverson, ce séjour aux États-Unis est une étape logique et décisive dans la vie de Yoan. Le point de départ d’un parcours rempli de réussites mais également semé d’embûches…

De « O-FIVE » à Yard, le « seum » de Yoan

Locaux du siège de Yard lors de la création du média

Yoan est avant tout fan de la culture hip-hop mais la France n’est pas encore assez à la pointe dans ce domaine. Pire, au début des années 2000, le hip-hop est considéré comme marginal voire insignifiant aux yeux des médias français. Le rap, plus particulièrement, est invisibilisé dans les principales vitrines culturelles françaises (cérémonies, radio, chaînes de télévision). Les rappeurs sont souvent caricaturés, considérés comme étant violents, sauvages, pas assez sophistiqués. Des qualificatifs loin d’être hasardeux et qui renvoient à l’imaginaire lié à ces jeunes issus le plus souvent de l’immigration et provenant de la banlieue. 

C’est animé par cette frustration que Yoan décide de lancer son propre média radio O’Five, destiné à promouvoir les genres musicaux qu’il affectionne et à donner une nouvelle vision du hip-hop en France. Lorsqu’on lui demande ce qui l’a poussé à réaliser ce projet (et par la suite ses autres projets), il répond le « seum », sans hésitation. Le « seum » d’être méprisé, le « seum » d’attendre une reconnaissance qui ne viendra que par l’approbation ou le travestissement du style, le « seum » de ne pas être respecté, etc… Yoan a le seum prolifique !

Bien que la volonté de faire bouger les lignes soit là, le jeune Yoan n’est qu’un novice dans le domaine de l’entreprenariat. C’est à travers de nombreux obstacles qu’il tente de faire vivre et avancer son média. Et malgré toute sa bonne volonté, son inexpérience le mène à un premier échec dans sa quête de mettre au premier plan, la « culture hip hop ». 

En effet, des désaccords sur la gestion de la radio mènent Yoann et quelques-uns de ses collaborateurs à quitter le navire O’FIVE. Cet « échec », bien que difficile à avaler dans un premier temps, est bénéfique pour lui, car une fois la frustration évacuée, l’échec lui sert de leçon et de tremplin vers d’autres aspirations, et pas des moindres ! Pour citer son joueur préféré, Allen Iverson : « On ne peut pas se plaindre, quand on a choisi ». Yoan choisit donc de se relever en créant un nouveau média, Yard, en 2014, avec son fidèle compagnon de route, Tom Brunet. Lorsqu’on lui demande pourquoi ce nom, il explique s’être inspiré de la « Yard », une course de fond universitaire réputée aux États-Unis puis sur un ton plus léger, avoue que c’est parce que « c’était stylé ». Yard qui signifie « cour ou jardin » en anglais, c’est surtout un espace où on se retrouve entre ami.e.s. pour« refaire le monde » et  discuter de projets communs.

« Il dit ce qu’il va faire, et fait ce qu’il a dit »

Concernant son parcours scolaire, si Yoan avoue ne pas être un mauvais élève, il comprend très tôt que l’école n’est pas forcément le chemin qui lui permettra de savoir ce qu’il veut faire dans sa vie. Avec ses facilités, il développe d’autres capacités et sait atteindre ses objectifs par la force du travail. Nina Berberova, une romancière russe, disait « Sans ambition, il n’y a pas de talent ». C’est donc en travaillant de manière acharnée, dans des conditions pas toujours idéales (doux euphémisme pour qualifier les premiers locaux de Yard) que Yoan met ses projets en place, guidé par son « seum » légendaire et une professionnalisation à la hauteur de ses ambitions. 

Il décide de s’ouvrir à d’autres domaines tels que l’événementiel permettant ainsi à Yard de développer plusieurs facettes. En se faisant connaître dans tout Paris, la Yard prend de l’épaisseur au sein de la culture urbaine et se fait un nom. La notoriété amène Yoan à endosser de multiples casquettes dont celles d’entrepreneur, d’organisateur d’événements et de communicant, afin d’asseoir la crédibilité du média dans le milieu urbain mais également par rapport aux institutions. 

« De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités » et Yoan se forme à la hauteur de ses ambitions. Finalement, « il dit ce qu’il va faire » et « fait ce qu’il a dit », et c’est après tout ce cheminement que Yoan parvient à voir les fruits d’une ambition dévorante mais réfléchie.

De la cérémonie des Flammes à Yardland, le ciel n’est pas sa limite

Dans le paysage culturel en France, le rap a bien changé. Aujourd’hui, il est l’un des genres les plus écoutés dans la population française et la musique urbaine truste régulièrement  les premières places des playlists radio. 

De Aya Nakamura à Booba en passant par Ninho, Tayc ou encore Tiakola, les artistes urbains se voient tresser des lauriers par leurs fans, les plateformes mais…pas les institutions. Force est de constater que les cérémonies musicales annuelles visant à récompenser les artistes français ont toujours eu du mal à valoriser les artistes urbains. Pour preuve, la relation tumultueuse que les rappeurs issus de différentes générations, ont eu avec la cérémonie des Victoires de la Musique. Les artistes urbains étant soit marginalisés, soit snobés durant l’événement ou la remise des trophées, Yoan Prat a su transcender sa frustration. 

Élevé dans la mentalité « For Us, By Us » (« Pour Nous, Par Nous ») qui prônait l’importance de faire avancer et évoluer la culture afro-américaine en terme de capital et de pouvoir au début des années 90, Yoan Prat crée la première cérémonie visant à récompenser la culture urbaine. « Je le fais pour les miens », telle est le mantra du boss, à l’initiative des Flammes dont la seconde édition s’est déroulée fin avril 2024. 

Toujours dans cette même volonté de le faire pour la culture et déterminé à repousser les limites de l’impossible dans le but d’atteindre de nouveaux sommets, Yoan lance, ce samedi 6 et dimanche 7 juillet, le premier festival, exclusivement destiné à la musique urbaine, YardLand avec des artistes internationaux tels que Gunna, Rema, des artistes reconnus comme Shay ou Kalash ou encore ceux en vogue tels que Zamdane ou Tif.