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Youzy, star des réseaux sociaux et acteur de son propre destin

par BY

26 févr. 2025

Youzy, 25 ans, est une étoile montante des réseaux sociaux. Sur TikTok et Instagram, il fait rire plus d’un million d’abonnés avec ses sketchs incisifs dans lesquels il tourne en dérision les petites absurdités du quotidien. Perruque vissée sur la tête, le jeune homme incarne des personnages hauts en couleur dont “Nathalie”, une quinquagénaire curieuse et un brin maladroite. Un humour mordant qui l’a propulsé sur le devant de la scène digitale.

Ce jour-là, l’après-midi est glaciale. Le vent siffle entre les immenses tours de verre de la Bibliothèque François-Mitterrand, un décor froid et imposant, presque futuriste, à l’instar du quartier de La Défense. Les passants, emmitouflés, se pressent dans les allées balayées par le vent.

Nous avons rendez-vous dans un petit coffee shop niché à l’intérieur du cinéma MK2 dans le 13ème arrondissement de la capitale, un cocon chaleureux aux effluves de café. Un contraste frappant avec l’extérieur. L’endroit, calme et feutré, semble presque en décalage avec l’énergie débordante qu’il allait apporter à cette rencontre. Dès les premiers instants, Youzy installe une légèreté, une autodérision à toute épreuve. Il est arrivé avec un sourire en coin, balançant une blague avant même de s’asseoir, brisant instantanément toute solennité.

Son visage est un kaléidoscope d’expressions. Son humour, spontané, désamorce l’instant. Youzy commande un thé matcha, boisson fétiche des créateurs de contenu, tandis que je me contente d’un expresso serré. La caféine contre la douceur végétale. Le reflet de nos rôles dans cette conversation, entre intensité et légèreté.

Youzy, 25 ans, est une étoile montante des réseaux sociaux. Photographie : Ami Touré

De l’ombre à la lumière

Paradoxalement, sa tonalité est très douce, discrète, comme un murmur, ce qui contraste avec l’énergie chaleureuse et décontractée qu’il dégage. Youzy ponctue ses phrases de son tic de langage favori : « en mode… », un gimmick qui, derrière l’humour, semble aussi être une manière d’adoucir ses propos les plus tranchants.

Montpellier l’a vu grandir, benjamin d’une fratrie de quatre grands frères et sœurs, au sein  d’une famille protectrice. À l’époque, Youzy n’est pas encore Youzy. Il est juste ce garçon timide, contemplatif, mélancolique, qui observe plus qu’il ne parle. Ses dix ans d’épilepsie lui ont  conféré la place du “petit protégé”, celui sur qui on veille avec attention, qu’on garde à l’abri des aléas de la vie. Cette période a fait naître en lui une certaine vigilance. Il capte instinctivement les atmosphères et les énergies d’une pièce à travers les interactions sociales.  

@youzy Ptdr un prénom bien hypocrite ? #entreprise #colleguesdetravail ♬ Healing, sleep and meditation-Reiki – Red Blue Studio

Dans les salles de classe, Youzy est bavard mais n’est jamais au centre. Il amuse, mais toujours dans l’ombre, il préfère se fondre dans le décor plutôt que d’attirer l’attention. Malgré son côté drôle, un peu espiègle, il ne cherche jamais à briller ; il joue de son humour sans se mettre en avant. C’est dans le monde virtuel, bien plus tard, qu’il fera exploser les frontières de cette réserve. Là, Youzy s’autorise à être bruyant, insolent, flamboyant. Il découvre une nouvelle version de lui-même, où l’audace prend le pas sur la retenue. Sur Internet, il n’est plus ce jeune garçon timide mais un personnage à part entière, prêt à bousculer les codes et à s’imposer sur son propre terrain.  

Et pourtant, ce passage à la lumière n’a rien d’un hasard. Durant une bonne partie de son secondaire, Youzy participe à des cours de théâtre d’improvisation, “Le théâtre m’a aidé à me découvrir”, confie t-il. Une scène, un personnage à inventer sur le moment, une liberté totale : c’est là qu’il s’est trouvé. “J’avais plus confiance quand j’étais dans l’impro que quand j’étais moi-même”, admet t-il. Parce qu’au fond, jouer un rôle, c’est s’affranchir des attentes. Il pouvait tout essayer, sans avoir à se justifier. “Je suis de la team de ceux qui veulent faire ce qu’ils veulent”, lâche t-il avec conviction.  

Le créateur de contenu Youzy devant la BNF photographié par Ami Touré

L’envers du décor : la dépression derrière l’humour

La conversation a pris un tournant plus intime, presque sans que je m’en rende compte. J’ai laissé échapper une phrase, un peu comme une évidence : « Les personnes les plus drôles sont souvent celles qui cachent le plus de souffrance. » Youzy a levé les yeux, esquissé un sourire, puis hoché la tête. « Oui, clairement… »

En 2024, dans une publication, Youzy a annoncé être sorti d’une période de dépression. Derrière ses sketchs, ses personnages exubérants, il y a eu des nuits d’angoisse, des journées plombées par la pression de sa popularité, la peur de décevoir. Le monde de l’influence a eu raison de lui. Trop de sollicitations, trop de faux-semblants ! « Une année, j’ai tout arrêté. J’avais plus envie. » Plus envie de créer, plus envie de faire semblant. Ce qui devait être une passion était devenu une mécanique épuisante. Son humour en a pâti. La spontanéité s’est envolée, remplacée par une lourdeur invisible. “Même quand je voulais tourner, ça sonnait faux.”

Youzy parle de la dépression comme d’un état insidieux, un brouillard dans lequel on s’enfonce sans s’en rendre compte. « La dépression, c’est quand tu ne sais pas. Moi, je savais pas. J’avais juste besoin de parler. » 

L’influence à son image : Youzy refuse d’endosser un rôle moralisateur 

Youzy se refuse à endosser un rôle qui ne lui correspond pas. Parler politique, religion ? Très peu pour lui. « Je fais des sketchs, je fais de l’humour…Je peux me justifier : j’ai jamais  parlé de ces sujets-là, alors pourquoi je le ferais aujourd’hui . » Bien qu’il ait conscience que l’influence impose des responsabilités, ce dernier refuse la posture moralisatrice. « On peut sensibiliser, mais on ne peut pas changer les choses… c’est impossible. » Il ajoute « Genre vous pensez que les personnes vont se dire “Oh non ! Youzy il a mis la perruque, il a parlé, on va arrêter”  ?» questionne t-il sur un ton dérisoire et provocateur.   

Quand je lui demande comment il fait pour garder les pieds sur terre dans un milieu où tout va trop vite, où les tendances dictent souvent le succès, il marque un temps d’arrêt. Comment rester authentique sans se conformer ? Comment ne pas se perdre dans le flot incessant d’images et d’injonctions ? “Les gens qui changent d’identité tout le temps, c’est qu’ils n’en ont pas. Moi, je suis resté le même.” Youzy refuse de céder aux tendances imposées, quitte à freiner son ascension.

Le créateur de contenu Youzy devant la bibliothèque François Mitterrand – Ami Touré ©

Après les réseaux sociaux

L’avenir, Youzy l’imagine ailleurs avec un pied dans l’acting. Une carrière qui se dessine mais pas à n’importe quel prix. Les équipes d’une émission autour l’humour pour une plateforme de streaming connue l’ont approché pour y participer tant que candidat. Une opportunité en or pour beaucoup, mais pas pour lui. “Ça ne correspond pas à mon identité.” Youzy veut tracer sa propre route, loin des formats préfabriqués.

Il y a aussi une grande chaine de télévision avec sa proposition alléchante sur le papier, mais révoltante dans le fond : un rôle de “mec de cité”, dealer. Là, il s’insurge. « On est vraiment en train de me proposer un rôle pour avancer des clichés sur ma couleur de peau ? » Youzy refuse d’être enfermé dans des stéréotypes éculés, ces rôles figés qui ne laissent aucune place à la nuance. 

Youzy rêve de cinéma, mais pas de rôles aux raccourcis paresseux. Il veut s’aventurer là où on ne l’attend pas, loin des caricatures. « Mon rôle idéal ? Un film d’horreur. » Jouer avec la peur, explorer une autre facette de son jeu. Parce qu’au fond, ce qu’il veut, c’est surprendre, être là où personne ne l’imagine et l’attend.

Rédaction : Carla Ntessi pour BY US MEDIA

Photographie : Ami Touré pour BY US MEDIA