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BLACK WALL STREET : Le centenaire du massacre de Tulsa

par Sienna

14 juin 2023

À l’approche du centenaire du massacre de Tulsa ce 31 mai, les derniers survivants du Black Wall Street réclament justice. Tant pour ceux qui sont morts pendant ces deux jours d’attaques racistes en 1921 dans l’Oklahoma que pour la communauté afro-américaine qui a été laissée pour compte.

Cela fait 100 ans qu’a eu lieu l’un des pires épisodes de violence raciale de l’histoire des États-Unis. À la veille du centenaire du massacre racial de Tulsa, les derniers survivants font pression pour que le pays rende justice. Ils veulent une reconnaissance de ce que la Commission sur l’émeute raciale de Tulsa de 2001 a qualifié de « nettoyage ethnique ».

Ce qui fut détruit pendant deux jours d’attaques racistes en 1921 à Tulsa, Oklahoma, c’est bien plus que des entreprises et de l’argent. Les générations suivantes d’Afro-Américains ressentent aujourd’hui les répercussions de cette histoire ignorée. La richesse d’une génération entière a été pillée. Puis les politiques mises en œuvre dans les décennies suivantes ont creusé l’écart de richesse raciale. Génération après génération, la communauté s’est vue contrainte de repartir de zéro tout en supportant le fardeau d’être Noir en Amérique.

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LA PROSPÈRE ‘BLACK WALL STREET’

En 1921, une communauté afro-américaine prospère est implantée dans le quartier de Greenwood à Tulsa, dans l’État d’Oklahoma. Les lois Jim Crow séparent le Black Wall Street des Blancs de Tulsa. Les travailleurs noirs dépensent donc leurs revenus dans ce monde autonome, connu aussi comme « Little Africa ». Cette communauté afro-américaine autosuffisante est une anomalie dans une nation où les opportunités économiques limitées sont un thème de la vie quotidienne.

Cependant, des quartiers florissants comme Greenwood menacent la hiérarchie raciale qui a structuré la vie américaine pendant la majeure partie des 145 premières années de la nation. Tout comme les soldats noirs qui reviennent de la Première Guerre mondiale. Ces vétérans réclament les mêmes droits humains que ceux pour lesquels ils se sont battus à l’étranger. Le Ku Klux Klan y répondra par une vague de violence raciale.

Little Africa on fire
‘Little Africa’ en feu, Tulsa, Oklahoma en 1921 / Library of Congress

UN PARADIS NOIR PERDU

Les tensions explose le 31 mai 1921, à la suite d’un rapport fallacieux publié dans le journal Tulsa Tribune. Sarah Page, une jeune fille blanche de 17 ans, accuse Dick Rowland, un cireur de chaussures afro-américain de 19 ans, de l’avoir agressée alors qu’elle travaillait comme liftier. Craignant que Rowland ne soit lynché, environ 75 vétérans noirs armés vont converger pour le protéger.

Mais ils ne peuvent faire face à la horde de Blancs, dont des policiers et les membres du Ku Klux Klan, qui ont envahi le Black Wall Street. Deux jours de carnage et de destruction s’ensuivent. Ils pillent et réduisent en cendres les maisons et les commerces, et tirent sur des résidents noirs au hasard. Aucune aide ne viendra du département de police de Tulsa. Et, pour remuer le couteau dans la plaie, des milliers d’Afro-Américains se sont ensuite retrouvés en été d’arrestation et internés sous la loi martiale.

Armed White Rioter - Tulsa 1921
Armed White Rioter – Tulsa 1921 / George Lane / Source of Photograph: Oklahoma State Univ. Tulsa Special Digital Collection / CC BY-NC-SA 2.0
'surrender' Tulsa June 1,1921
‘surrender’ Tulsa June 1, 1921 / George Lane / Source of Photograph: Oklahoma State Univ. Tulsa Special Digital Collection / CC BY-NC-SA 2.0

L’État d’Oklahoma avait déclaré auparavant que le massacre n’avait fait que 36 morts. Pourtant, la Commission sur les émeutes raciales de Tulsa estime que le nombre de morts est plus proche de 300 personnes, toutes tuées au cours des deux jours et enterrées dans des fosses communes non marquées.

UN COMBAT DE 100 ANS POUR LA JUSTICE

Alors que le pays s’apprête à célébrer le centenaire du massacre racial de Tulsa ce week-end, les derniers survivants connus du carnage ont récemment fait part de leur témoignage devant le Congrès américain. Viola Fletcher, âgée de 107 ans, son jeune frère Hughes Van Ellis, âgé de 100 ans, et Lessie Benningfield Randle, âgée de 106 ans, ainsi que les descendants des victimes, ont intenté une action en justice contre la ville de Tulsa et l’État de l’Oklahoma afin de réclamer des réparations et de la justice pour cette attaque.

Viola Fletcher avait sept ans lorsque la foule blanche s’est abattue sur le Black Wall Street. Lors de l’audition, la centenaire a décrit l’horreur de l’attaque raciste. « Je n’oublierai jamais la violence de la foule hargneuse de Blancs lorsque nous avons quitté la maison », a-t-elle témoigné. « Je vois encore des hommes noirs se faire tirer dessus et les corps noirs gisant au sol dans la rue. Je sens encore la fumée et je vois le feu. J’entends encore les avions nous survoler. J’entends les cris ».

UNE RICHESSE INTERGÉNÉRATIONELLE VOLÉE

Les ramifications du massacre de Tulsa ont eu des effets bien au-delà de ces deux journées meurtrières. Non seulement les agents du gouvernement ont participé activement au crime, mais le massacre a entraîné des dommages matériels estimés « entre 25 et 100 millions de dollars d’aujourd’hui, ce qui représente une énorme perte de richesse pour la communauté noire de Tulsa », a déclaré le sénateur d’État, Steve Cohen. Selon lui, cette perte s’est aggravée « avec chaque génération qui s’est succédée ». Tandis que « les descendants de la foule blanche qui a pillé les entreprises et les maisons de Greenwood ont eu l’occasion de construire sur la richesse de leurs ancêtres, y compris la richesse volée ».

La destruction de cette communauté prospère qui offrait des opportunités aux Noirs a joué un rôle important dans l’élargissement du fossé racial en matière de richesse. Ceci explique les disparités raciales et économiques qui affectent les générations actuelles de la ville. « Mes opportunités m’ont été enlevées ainsi qu’à ma communauté », s’est indignée Leslie Benningfield Randle, la troisième survivante. « La Tulsa noire est toujours en désordre aujourd’hui. Ils ne l’ont pas reconstruite. C’est vide ».

«  Je revis le massacre tous les jours… Notre pays peut oublier cette histoire, mais pas moi. Je ne le ferai pas, et les autres survivants ne le feront pas. Et nos descendants non plus »

Viola Fletcher

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Le massacre de Tulsa n’est qu’un des exemples les plus frappants de la façon dont la richesse intergénérationnelle des Noirs a été minée par le racisme et la violence raciste. Pourtant, aucun Blanc n’a jamais été emprisonné pour avoir participé au carnage. Et à ce jour, les survivants et les descendants des victimes se sont vu refuser toute reconnaissance de l’atrocité et n’ont pas été indemnisés à leur juste valeur pour ce qu’ils ont perdu.

*Photo de Une : George Lane / Source of Photograph : Oklahoma State Univ. Tulsa Special Digital Collection / CC BY-NC-SA 2.0

Captured Negro Men