Lauren Lolo, un OVNI en politique
En attendant que Canal+ la contacte pour son projet d’émission vulgarisant la politique, Lauren Lolo, une afroféministe élue à Fosses, milite pour rendre légitime la prise de parole des minorités visibles – notamment celle des jeunes de banlieue.
« Mobiliser les mères d’élèves pour faire réparer le nid-de-poule sur le chemin de l’école primaire ne relevait pas de la politique pour ma mère. Il s’agissait tout simplement d’un problème pour lequel il fallait trouver une solution », raconte Lauren Lolo. Après s’être réveillée dans l’hôpital paralysée des deux jambes suite à une opération ratée, la jeune femme âgée d’une vingtaine d’années a trouvé une détermination nouvelle pour donner un sens à sa vie.
Témoin des émeutes de Clichy-sous-bois en 2005 contre le harcèlement policier suite à la mort de deux adolescents, des disparités éducatives entre Fosses et le 16ème arrondissement, puis d’un urbanisme peu accessible pour les individus à mobilité réduite, elle s’oriente vers des études en science politique à l’Université Paris Nanterre. « Je voulais étudier la politique pour comprendre l’organisation de la société et pouvoir y trouver des solutions. Pourtant on me demandait ‘Qu’est-ce-que tu vas faire là bas? Tu penses que tu vas devenir présidente?’ ».
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« LA POLITIQUE APPARTIENT À TOUS ET À TOUTES »
En 2018, elle cofonde la Cité des Chances avec son ami de longue date, Brandy Boloko, un autre jeune homme noir habitant également en banlieue. De cette association, Lauren tire une leçon fondamentale : la famille et le quartier d’où l’on vient ont une influence significative sur notre trajectoire de vie.
À la suite d’une conversation tenue un soir dans la salle à manger de Brandy, ils décident de s’appuyer sur leur vécu afin de dégager et reproduire les conditions favorables à un engagement citoyen. « Nous voulons démocratiser la politique, démocratiser la chance et démystifier les institutions. L’Assemblée nationale, c’est chez moi. J’y rentre comme je veux! », affirme-t-elle.
Dans un environnement où certains jeunes ne voient que deux voies pour réussir – être un rappeur ou un joueur de football – il s’agit de redonner quelques libertés de choix. La Cité des Chances est donc à la fois un lieu de rencontre avec d’autres individus engagés, un lieu d’empowerment favorisant un sentiment de légitimité, et un terrain d’apprentissage par la pratique.
LE REFUS DE SE FAIRE DISCRÈTE
Vêtue d’une robe bleue à pois blancs, ses créoles dorées à motif cœur en bambou balançant au rythme des paroles de Jay-Z, Lauren chante : « Rich nigga, poor nigga, house nigga, field nigga. Still nigga, still nigga ». Les paroles du célèbre rappeur new-yorkais font écho au vécu de la jeune femme. À l’âge de huit ans, cette fille d’immigrés ivoiriens est déjà confrontée au racisme. Depuis lors, Lauren fait l’objet d’un cyber-harcèlement croissant en tant qu’afroféministe au handicap invisible qui n’hésite pas à critiquer la France.
Avec plus de 18 000 utilisateurs bloquées sur Twitter, chaque tweet parlant de politique qui dépasse les 500 retweets lui fait courir le risque d’un retour méprisant. « Le fait d’être une femme noire – dark skin en plus – est mal perçu par la société française. D’autant plus que je suis audacieuse et critique à propos des enjeux comme le racisme et le féminisme », constate Lauren.
« Notre vision de la France, et notre discours, sont à contre-courant de la pensée dominante. Le mot “race” a peut-être été supprimé de la constitution, mais les réalités qui en découlent persistent », souligne son complice, Brandy. « La conviction de Lauren, et son refus de supporter l’injustice font d’elle une représentante dévouée », insiste-il.
« En ligne, on me dit de rester à ma place, d’être reconnaissante envers la France, ou bien de rentrer chez toi “sale nègre”. C’est comme si je n’avais pas le droit de porter critique ». En jetant ses vanilles en arrière, elle conclut : « Honnêtement, si je meurs demain, je serai fière de ce que j’ai fait. Malgré les obstacles, j’aurais laissé quelque chose sur terre qui va continuer de grandir ».
Ceci dit, la jeune femme est loin d’avoir fini. La prochaine ambition pour Lauren Lolo est double : devenir conseillère politique et avoir une émission de vulgarisation politique sur Canal+.
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*Photo de Une : courtoisie de Lauren Lolo
